En 1848 Yerba Buena etait une ville-comptoir, un trou perdu endormi, avec deux mille habitants vivant sous des tentes, des baraques et des maisons en briques sechees au soleil. En 1849, la nouvelle de la dcouverte de l'or par John Marshall se rpandit dans le monde entier et dclencher la rue vers l'or. Les gens qui avaient la chance d'tre sur place en Californie s'approvisionnrent en nourriture, tentes, matriel de mineurs et se dirigrent vers les cours d'eau de la Sierra Nevada pour chercher de l'or. Ils tamisrent les graviers des rivires chargs d'or avec un formidable succs. Les comptes rendus de leurs russites et de leur abondante richesse devinrent un sujet d'actualit dans la presse europenne et amricaine. La perspective de s'enrichir et d'chapper la pauvret en Europe et en Amrique du Sud vint aux oreilles des fermiers pauvres qui souffraient de mauvaises moissons et d'une rcession terrible. Elle intressa galement les gouvernements europens qui virent l le moyen de coloniser et d'exploiter les riches terres de Californie et de se dbarrasser de leurs citoyens indsirables sur le plan politique et social - les socialistes, les rvolutionnaires, les rpublicains, les prostitues, et les activistes politiques aussi bien que les pauvres qu'on ne pouvait nourrir. Alors que les comptes rendus exagrs sur la facilit de l'orpaillage le long des rives des cours d'eau aiguisaient l'imagination des pauvres, ils encourageaient les promoteurs sans scrupule btir des montages financiers avec des socits minires sous-capitalises afin d'offrir le transport en Californie des acheteurs de parts en change d'un crdit assorti d'une hypothque sur leurs terres. Vers 1850, la plupart des mines facilement exploitables taient puises. Yerba Buena, maintenant appele San Francisco, tait devenue une ville turbulente, boueuse, vente, rude et dangereuse avec plus de 2 000 saloons, 700 bateaux chous et une population permanente de 25 000 immigrants - chercheurs d'or, marchands, prostitues, voyous professionnels, escrocs, sans compter les cargaisons humaines qui arrivaient chaque semaine. Vers 1851, San Francisco avait souffert d'incendies graves, de spculation foncire, d'absence de lois, de corruption politique et policire et la Californie tait devenue un Etat de l'Union aprs la droute des Mexicains locaux et des milices de Californios. Avec un rapport homme / femme de 100 pour 1, la nouvelle lgislation californienne adopta une loi significative sur le statut des femmes. La nouvelle loi avait pour but d'attirer des femmes susceptibles de se marier qui pouseraient les nombreux mineurs clibataires et s'installeraient de manire permanente dans l'Etat. La loi garantissait que les revenus qu'une femme pouvait percevoir ainsi que les biens reus en hritage resteraient sa proprit personnelle et chapperaient au contrle de son mari ou de son pre, ce qui n'tait pas le cas dans la plupart des autres pays du monde. Ces nouveaux droits parvinrent aux oreilles des Europennes, notamment les mres qui avaient des filles marier, les veuves, les femmes aventurires et les prostitues. Des femmes risqurent leur sant, leur scurit et parfois leur vie pour entreprendre le prilleux voyage maritime qui durait six mois depuis l'Europe autour du Cap Horn ou bien la traverse de l'Isthme de Panama infest de moustiques et de maladies, en pirogue ou dos de mule. Elles continuaient affluer en Californie pour sauter sur les mineurs et les commerants enrichis, ou bien pour faire fortune d'une autre manire. On estimait que vers 1851 il y avait plus de 100 000 hommes cherchant fortune dans le lit ou sur les bords des rivires de la Sierre Nevada partir du sud de Mariposa en Californie jusqu'au sud de l'Orgon. Avec tant de mineurs qui cherchaient et s'accaparaient les meilleurs gisements d'or, sans compter tous les nouveaux qui arrivaient chaque jour, les conflits et les rivalits taient invitables. Beaucoup de mineurs amricains avaient le sentiment que l'or leur appartenait et ils firent pression sur les lgislateurs californiens pour imposer une taxe mensuelle de 20 dollars (environ 50 grammes d'or) aux mineurs trangers. La taxe attisa la colre et les querelles opposant les mineurs amricains et anglophones aux non-anglophones - Mexicains, Chiliens, Chinois et 25 000 Franais ou plus - qui s'associrent aux hispanophones pour contester l'imposition et dfendre leurs droits de mineurs contre les Yankees parce que ces derniers cherchaient les liminer. Notre histoire commence en janvier 1851. Pierre Dubois, premier clerc de notaire dans une tude parisienne, reoit l'ordre d'aller San Francisco et de rapporter des preuves pour innocenter un riche client qui avait prt son nom et sa rputation une socit minire frauduleuse ; cette dernire avait envoy San Francisco quatre navires chargs d'immigrants pauvres, avec la promesse de les soutenir pendant deux ans avant de les abandonner ds leur arrive leur propre sort.
